Mon histoire

Mon histoire…

Très tôt dans mon enfance, j’ai vécu une longue période de maladie. J’ai encaissé coup sur coup la varicelle et la mononucléose. Je ne sais pas si ce sont les effets secondaires des médicaments pris pour guérir, l’obligation de cesser toutes les activités qui mettaient du bonheur dans mon enfance: judo, danse, patinage artistique, ou si ce sont toutes les émotions vécues, mais à la suite de cet épisode, mon poids a augmenté considérablement.

Ma grand-mère, inquiète, a insisté pour que je voie une diététiste et ma mère qui voulait bien faire m’a mise à mon premier régime. Elle mesurait même la cuillère de beurre d’arachide que je mettais sur ma tranche de pain. Ce fut le début du commencement… de mes troubles alimentaires, et plus particulièrement de mon combat contre l’anorexie boulimie.

Mon combat contre la maladie.

J’ai compris rapidement que les enfants ayant un excédent de poids avaient moins d’attention que les enfants avec un poids normal. Mon surplus de poids est demeuré jusqu’à l’adolescence, bien que j’aie tout de même réussi à en perdre plus de la moitié. En fait, jusqu’à ce que je découvre le pudding Nutridiète au chocolat et que j’en mange trois fois par jour sur une période de plus de 2 mois. En somme, j’ai passé toute mon adolescence en contradiction alimentaire, à surveiller ce que je mangeais en alternance avec les périodes de boulimie. La danse et l’activité physique étaient mon échappatoire et me permettaient de faire la transition entre mes deux pôles.

Mes études et mon cheminement de carrière dans la vingtaine ont été composés de grandes périodes de jeûne. Je ne buvais que de l’eau. Le plus long jeûne a duré 10jours. Je devenais si faible que je sentais mon cœur s’accélérer au simple effort de lever les bras. En période de boulimie, je pouvais prendre jusqu’à six livres en une seule journée. Mes relations amoureuses et mes finances ont beaucoup souffert de mon obsession face à mon poids.

À cette époque, les médias parlaient déjà de l’anorexie et décrivaient le stéréotype comme étant : une jolie fille perfectionniste, avec une grande force de caractère, disciplinée, déterminée, voir entêtée, afin de réaliser ses objectifs et sa carrière.

Au début de la trentaine, j’ai troqué mes collants de danse pour un tailleur de femme d’affaires : de la danse à la gestion et de professeur de danse à conseillère en insolvabilité. Même si le développement de ma nouvelle entreprise progressait et que j’atteignais mes objectifs d’affaires, je n’ai jamais cessé de pratiquer la danse. Au contraire, je la pratiquais intensément afin de maintenir mon poids.

Besoin d’une pause

À 38 ans, pour des raisons personnelles et professionnelles, j’étais essoufflée. J’ai pris la décision de prendre une pause de trois mois… Une pause de régime et de contrôle de poids. Plus de régime, plus d’entraînement, plus de casse-tête. J’ai ouvert la valve! Quel bonheur de faire l’épicerie sans regarder les calories. Quel bonheur de manger tout ce que tu veux, à l’heure que tu veux. Quel bonheur de ne plus avoir à regarder les yeux de son amoureux pour se sentir belle. J’étais grosse et célibataire, mais la liberté de manger ce que je voulais n’avait pas de prix, tant que j’avais la santé.

Après trois mois, je n’étais pas prête physiquement ni émotivement à retourner à mon rythme de vie d’avant… J’ai donc pris 100 livres en un an. Je suis passée de 105 livres à plus de 200. Il aura fallu quatre ans et 130 livres en plus pour que je comprenne que mon corps ne suivait plus. Mes chevilles brûlaient, mes pieds et mes genoux me faisaient souffrir et mon cœur s’accélérait au moindre effort. J’étais aux prises avec des problèmes de cholestérol sans compter que j’étais à la limite du diabète et ma pression artérielle, au plafond. Je ne pouvais même plus me tenir debout plus de 30 minutes. J’étais incapable de marcher et j’avais de la difficulté à monter et à descendre les marches des escaliers, à m’habiller et à prendre place dans mon véhicule.

À 42 ans, j’ai fait une crise d’angine. Le cardiologue m’a dit : « Tu en as profité pendant plusieurs années, mais si tu ne veux pas mourir dans 5 ou 10 ans, tu dois faire des efforts ». Alors, comme j’ai cette personnalité du « tout ou rien », je me suis reprise en main. Alors, après mon opération de sleeve gastrique et 16 mois d’efforts, j’étais à110 livres, j’avais perdu 129 livres.

Beaucoup de gens pensent que la sleeve gastrique et toutes les chirurgies de l’obésité sont des interventions miracles, mais c’est bien loin de la réalité. Il s’agit plutôt d’un outil permettant d’amorcer une perte de poids, mais ce n’est pas une solution définitive. Il est en effet très facile de manger un peu plus chaque jour et, du coup, d’étendre la poche de l’estomac pour manger de nouveau comme on le faisait auparavant et de reprendre rapidement le poids perdu. Maintenant, je sais…

À la suite de cette intervention, ce fut une année très difficile physiquement et psychologiquement. Je n’ai pas célébré le temps des Fêtes, ni Pâques, etc. Je me suis isolée pour ne pas perdre ma motivation.

Mirage
Malgré ma perte de poids final de 129 livres, mes efforts et ma souffrance n’étaient pas finis. J’ai dû faire face à un autre problème : le surplus de peau. Deux ans après l’opération, je me suis donc retrouvée de nouveau sur une table d’opération (12 heures de chirurgie et 5 mois de récupération). Bien que personne ne puisse se douter que j’avais déjà fait osciller la balance à 239 livres, le souvenir restera gravé à jamais sur mon corps par les cicatrices.

J’ai perdu du temps, de l’énergie, beaucoup d’argent et j’ai vécu énormément de souffrances, car quatre ans plus tard, avec les symptômes de la préménopause, mes deux meilleures amies, la nourriture et la solitude, sont venues à ma rescousse. J’ai recommencé à prendre du poids : 100 livres avec la douleur de mes cicatrices qui s’étiraient de plus en plus. J’étais si découragée, triste et en colère contre moi-même. Moi qui avais toujours plein de projets malgré cette maladie, je n’avais envie de rien. Je me sentais glisser, je n’en pouvais plus. J’étais épuisée! Je pleurais presque tous les jours et je ne voulais plus voir personne. ENCORE SI GROSSE ! Comment m’étais-je rendue là ? Pourquoi je n’avais pas eu assez de contrôle pour arrêter de manger. Avec le temps, mes deux chiens m’ont sauvé la vie. L’amour que j’avais pour eux m’obligeait à sortir cinq fois par jour.

Par la suite, j’ai fait une nouvelle demande pour une même opération, qui fut refusée. Mon estomac est encore trop petit. J’ai rencontré un médecin qui m’a prescrit des médicaments, des injections de Saxenda. J’ai maigri rapidement, mais sans aucune qualité de vie. Constamment, je souffrais de maux de cœur, de vomissements, d’étourdissements et de fatigue extrême. J’ai cessé le Saxenda.

À la suite de cet événement, j’ai fait un grand bout de chemin et je vais beaucoup mieux. Depuis plus de deux ans, je n’ai pas fait « d’orgies de bouffe » et j’ai arrêté les régimes. Plus d’interdits. Je prône maintenant l’égalité, l’égalité de tous les aliments ! J’ai encore un surplus de poids, mais je maigris tranquillement. J’ai une sensation de liberté.

Aujourd’hui, l’anorexie, la boulimie et l’hyperphagie sont encore mon combat, mais un combat de moins en moins difficile puisque j’ai énormément cheminé. Je ne suis plus que la maladie, je suis beaucoup plus : une femme accomplie et épanouie. Toutefois, l’anorexie, la boulimie et l’hyperphagie m’accompagneront toujours, car cela fait partie de mon histoire.

36 ans

38 ans

41 ans 

42 ans, quelques mois avant l’opération

44 ans

46 ans, après l’opération pour enlever le surplus de peau

6 mois avant la reprise de poids

Josée Brouillette